...Mother.puja...............................................

.. Aujourd'hui me retrouve sous la mousson, ce n'est pas un jour à courir les rues en sari de soie, la fleur au cheveu, pourtant, c'est le jour de Mother puja à l'école de Nytia. .
...Au milieu de la matinée corne devant ma porte une Ambassador chargée d'une reine et de ses princesses, Ambika en sari de Bangalore, bleu imprimé de fleurs, ses filles, en padavani, ce très joli costume d'enfant dont la jupe prépare les fillettes à l'ampleur du sari, et la chemise, à l'étroitesse de sa blouse. Je ne suis pas moins parée, et fort au goût d'Amuma. La pluie s'est arrêtée le temps du trajet et nous traversons la cour boueuse en relevant nos jupes.
... Un joyeux brouhaha résonne dans les escaliers et les corridors jusqu'à la salle toute vitrée où ont été disposés des rangs de chaises. Les garçons portent leur uniforme bien repassé ; les mères exhibent des saris bordés d'or et leur longue tresse souligne la droiture du dos. Je porte le kodai fraîchement rempli d'eau de tulsi (1) et les fleurs de malipoo (2) en vrac dans une feuille de bananier. Nitya se joint au groupe de fillettes qui entonnent des chants sanskrits en attendant le président du comité
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(1) tulsi : variété indigène de basilic dont chaque famille hindoue honore un pot.
(2) Fleurs de jasmin, vendues au poids, ou bien tressées avec du fil, à la longueur, pour coiffer les fillettes et les femmes, parfois après les avoir posées en offrande aux dieux dans la puja room.

 
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Avec Jules en petit bonze

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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...Arrivant enfin, le vieil homme tout rond monte à la tribune et la soie orange de son dhotti (3) éclabousse l'assemblée alanguie. Il se lance tout essoufflé dans un long discours ponctué d'édifiantes pauses inter rogatives - "et quel est le sourire qui vous éveille le matin ?... celui de votre mère !", et ainsi de suite, mais lui seul semble pénétré de la solemnité joyeuse de ses propos. Les enfants baillent de temps à autre pendant qu'Ambika s'exaspère, pense-t-elle à ses clients qui l'attendent ? Au moins la moitié des mères ont méprisé la puja : banale obligation, tendre devoir ? .
...Enfin, la directrice reprend le micro pour guider les enfants intimidés et orchestrer les gestes du rituel. Nytia s'est assise jambes croisées face à sa mère et dispose les divers instruments, les fleurs à sa gauche, le pot à sa droite, les poudres de kumkum (4) et de turmeric (5) dans la petite assiette. Puis elle glisse le plateau sous les pieds de sa mère et les lave l'un après l'autre avec maladresse, une caresse qui lui est étrangère. Tous les enfants sont également gênés et empruntés lorsqu'ils doivent ensuite sécher ces deux pieds, comme une jeune mère le serait avec son nouveau-né. Une prière accompagne chaque rite, la
douche de fleurs, l'apposition des marques de turmeric... Après avoir fait trois fois le tour de la chaise - non pas à cloche-pied, ce qui aurait remis tout le monde à l'aise, mais plutôt machinalement, chacun s'est rassis devant sa mère et a offert son front à la bénédiction maternelle.


(3) dhotti : étoffe unie avec des bordures tissées, de deux mètres environ, que les hommes portent avec plus ou moins d'élégance autour de la taille comme une jupe.
(4) kumkum : poudre de vermillon, pour les bénédictions, à poser sur le front, sur les calandes de voitures, les photos d'ancêtres...
(5) turmeric : bulbe de la taille du pouce, utilisé tel quel en offrande, ou en poudre, pour ses vertus antiseptiques, digestives.


Noële, Marc et Tid dans les Vosges,
en juin 1955, et à Pignon un peu
plus tard.
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Noële, Antoinette, Wilfrid ...
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Puis elles-mêmes se sont penchées sur leur enfant pour qu'il les pare d'un long collier de fleurs multicolores.
...Et tout ce temps-là, j'imaginais celui qui serait assis là, le visage levé vers moi qui le regarderai avec la douleur de l'orgasme. Je l'aurai recueilli au creux de mes bras, épuisée, un petit matin. Il serait le compagnon de mes réveils et m'observerait dans les préparatifs de la maison encore endormie. Nous referions le monde ainsi chaque jour, arrêtant parfois nos confidences pour écouter l'élan de nos cœurs au cri du papihar (6) . Nous boirions notre thé épicé assis sur la margelle du balcon, complices. Il serait doré comme son père, soudain derrière nous. Il nous enlèverait tous deux d'une seule étreinte de notre perchoir et nous emporterait par surprise dans un rire. Et c'est pour cela que nous lui tournerions le dos, pour que se renouvelle ce miracle de chaque jour, cet emballage de tendresse.
...Il me revient alors un des mes plus anciens souvenirs que je raconte souvent, le tournant en blague pour en chasser la tragédie. Après tant d'étés en confiance auprès de la mer Méditerranée si constante, mon père nous emmena tous à l'Océan. Une longue route et au matin enfin, nous arrivāmes à l'autre mer, étrangère, battant une plage sans fin.
La douleur des pieds sur le sable brûlant fond dans la joie d'en voir tant, de pouvoir courir à perdre haleine sur la baie immense... Je me jette sur l'infinité blonde, je me berce de la langueur bleue avec un sentiment de possession mêlée de retrouvailles.
La vigueur du vent et de l'eau me fait vaciller et mon père me prend dans ses bras pour partager la douceur des vagues sur nos têtes.

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(6) papihar :oiseau dont le cri strident escalade la gamme en crescendos chaotiques et se tait soudain pour reprendre inopinément (brain-fever bird).

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... à Carbonneau, été 1961.

Ces effusions courent sur mon corps qui se cambre, plie et j'explose d'un rire ivre dans cette mer débridée.
...Le lendemain, plus tôt ? un peu plus tard ? nous y retournons joyeusement. Mais là, point de vagues, une plage désertée. Après les débordements de la veille, la mer s'était retirée, disparue, envolée, ne laissant qu'une épaisse frange malodorante d'algues mortes. Une chevelure déchue abandonnée aux crabes. On me ramena dévastée à la maison. La mer avait été avalée par la marée basse, ma mère venait de nous quitter, cette concomitance me laissa seule, face aux embruns de mes larmes, le cœur battant sans fin son flot de sang dans la tempête sourde et aveugle du désarroi. Longtemps je me suis gardée de cette mer à l'homophonie trompeuse. Qui défera le nœud de nos primes chagrins ?

...Lorsque je rouvre les yeux, la salle de l'école est baignée de soleil, me voilà submergée d'enfants. Ma jupe s'étale de toutes parts et à chaque battement de cils en naît un nouveau. Ils semblent jaillir sans fin des pans de mon sari comme de l'abdomen inlassable d'une reine abeille. Où que porte mon regard me sourient leurs visages un peu graves et une tendresse émerveillée m'inonde le cœur.
Puis la clochette d'argent sonne la fin de la puja et l'étoffe se gonfle d'un vent soudain pour les reprendre, tous ploient le front sous le vol de l'ourlet.

...Je porte la coupe de ma main à mon ventre pour les sentir, eux qui reviendront. Ils seront couleur de miel et leur père saura à cela qu'ils sont de son sang.

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Madras, novembre 95

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A la piscine

Petit matin, deux amants
qui se cherchaient
ne se trouvaient pas,
Paris en pleure encore

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Paris, 9 juillet 2000

....Les nageurs lardent la piscine de coups de pieds et de claques, d'autres, las, se sont abandonnés au balancement de l'eau tiède. A la vue de tous, le spectacle du petit bassin.
Un homme à l'âge pansu et au mollet maigre, chair blanche en slip jaune, noir de poil et glabre de poitrine, contemple l'eau plate avec convoitise.
Le bassin est à lui, il va s'y jeter et le conquérir. Pour en prendre la mesure, il en fait plusieurs fois le tour d'un pas élastique, l'œil mi-clos. Puis il reprend son observation, soudain timide. Très lentement, il descend dans l'eau, on ne voit plus sa tête cachée par le rebord, mais on entend de furieux battements d'eau. Puis, il reparaît, de l'autre côté. Victorieux. Très droit, il marche vers la sortie le long de notre bassin, le visage impassible.
....Comme il s'en approche, le spectacle s'y installe. Une très grosse dame en peignoir descend l'escalier et longe le petit côté du bassin. A mi-chemin, elle s'attarde et discute avec le maître nageur.
Il quitte son poste, et elle nous préside de sa rondeur énorme. Elle enlève son peignoir bleu d'un geste rapide de torero et va le poser sur le banc, le corps tendu dans un maillot noir non moins tendu. Elle ajuste son bonnet, puis ses lunettes.
Elle monte sur le dernier plongeoir, celui de la ligne individuelle, la peau de ses jambes et de ses bras prête à rompre. Ce sera le premier plongeon de la matinée, et il sera pour nous. Elle va nous l'offrir, elle se redresse, tout en elle est parfaitement conique et lisse. Un fantasme de synthèse en 3-D plus que nature.
Elle se met en position zédale, bras en extension, genoux fléchis, on la sent prête au choc de l'onde. Une émission que nous recevons en pleine figure, son assaut fait jaillir mille vagues qui, un instant, brisent le miroir de la piscine.
L'eau palpite encore, comme haletante, lorsque la nageuse poursuit en brasse papillon. Elle manque d'écraser son camarade de bande, un t
imide crawleur fluet qui nageait vers elle. Le moniteur se penche pour l'enjoindre au calme.
Le nageur au maillot jaune achève de son pas flegmatique la longueur du bassin et pousse la porte à ressort du vestiaire. Raté.
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