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GRAND'MAM' ... c'est elle qui m'a appris à faire du ski.
Quand j'avais peut-être cinq ans elle nous a emmenées, Noële (ma marraine) et moi faire du ski en Suisse. Le premier jour, nous sommes allées dans un magasin pour me louer des skis, je pense.
De là, j'ai été déposée à la leçon de ski pour enfants, mon Dieu que la pente était énorme ! ! Mais à la fin de la leçon, il n'y avait personne pour me récolter. Du coup, j'ai fondu en larmes et j'ai passé un bon bout de temps à appeler Grand'Mam' très fort. Noële était très contrariée parce qu'on m'entendait à la ronde, la vallée faisait écho à mes appels :
" Grand'Mam' ! Grand'Mam' ! "
 
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Un peu plus tard, quand
j'avais à peu près sept ans, GRAND'MAM'
devait me ramener à Metz à la fin de l'été.
Donc, Grand'Mam' conduisait et elle m'encourageait à être le navigateur :
" Regarde la carte,-
" y a-t-il un pont marqué
" sur la carte ? "

Elle m'apprit ainsi la cartographie.
 
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GRAND'MAM' faisait tout le temps du piano, elle organisait des soirées musicales une fois par semaine. A Pignon, elle avait son quartet :
GRAND'PAP' à la flûte, Fagette, le coiffeur, au violon et le clerc de notaire
au violoncelle. Donc, la musique était distribuée la semaine précédente,
et après le dîner, on passait au salon pour jouer de la musique.
Elle encourageait tout le monde gentillement mais le clerc de notaire
aimait un petit peu trop le vin blanc de Pignon et les résultats étaient quelques fois un peu difficiles.
Et elle faisait des quatre-mains endiablés avec Rémy
* , jumeau de Noële !
 
Pour les sept ans de ses petits-enfants,
elle leur donnait une montre.
Elle disait aussi que toutes les jeunes
filles devaient savoir conduire
et passer leur permis.
C'est parce qu'elle savait atteler la carriole
et la conduire qu'elle avait sauvé
la vie de son mari, après une piqûre
de vipère à Pignon.
 
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GRAND'MAM' était
la personnification
de la musique**.
Son compositeur
favori était Schubert.
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Je sais que GRAND'MAM' faisait tous ses vêtements et aussi certains pour Noële etc. Elle était une couturière et une tricoteuse chevronnée. Et elle était toujours très à la mode. Elle disait qu'il ne fallait jamais porter la jupe d'un tailleur toute seule. En rentrant à la maison, on retire sa veste de tailleur et la jupe aussi, sinon, on se retrouve avec une veste toute neuve et une jupe usée et déformée. Elle disait, toujours aussi, que les manteaux trois-quarts étaient très pratiques, comme cela, une jupe est toujours à la bonne longueur quelque soit la mode - l'ourlet de manteau n'avait pas à suivre la mode.
 
Anne : a - b - c -
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GRAND'MAM' passait au moins les trois mois d'été à Pignon : cela permettait de mettre en conserve les récoltes du jardin potager, puis Grand'Mam' apportait les boîtes ouvertes à Gensac pour les faire sertir par Monsieu Sarthre, qui avait une jambe de bois. Celles de haricots verts pouvaient alors être cuites dans de grandes bassines de fer blanc. Puirs les conserves étiquetées étaient envoyées par transporteur à Mulhouse, tandis qu'une pyramide en ornait le haut de l'escalier de Pignon.
 
Donc, GRAND'PAP' * venait passer un mois d'été à Pignon. il a pris sa retraite à 60 ans parce qu'il travaillait pour une compagnie minière : les mineurs prennent leur retraite à 60 ans.
 
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    Je me rappelle GRAND'MAM' en train de coudre des sacs de toile rugueuse. C'était des sacs pour les échantillons de sol que faisait G.P. C'est beaucoup plus tard en tant que géologue que j'ai reconnu ces sacs. Puis ces sacs sont devenus des sacs en plastique, mais du temps de G.P. , c'était toujours des sacs en toile et il n'y en avait jamais assez.  
   
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GRAND'PAP' aimait ne pas déchirer ses cartes, alors il les montait. Comme le plastique n'existait pas encore, il découpait ses cartes en petits carrés (20x30 cm à peu près) et il les collait sur une grande toile avec de la colle à bois, laissant des rigoles entre les rectangles de cartes. Ainsi, elles se pliaient bien et se conservaient encore mieux.
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Est-ce que je t'ai dit que GRAND'PAP' nous emmenait à la chasse aux champignons ? C'était une sortie familiale de bonne heure le matin pour aller dans les bois de Landerrouat. Au retour, tous les champignons étaient installés sur la table de l'entrée et Grand'Pap' sortait ses livres de référence sur les champignons. C'est seulement après une bonne identification rigoureuse que nous pouvions les manger. Et c'est une habitude que j'ai gardée. André et moi allons à la chasse aux champignons sur notre propriété et nous vérifions toujours notre récolte.
 
. André et Anne **
Anne : a - b - c -
 
 
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La première fois que j'ai vu GRAND'PAP' se mettre en colère, j'étais très étonnée, je ne l'avais jamais vu ainsi.
J'avais à peu près dix ans et c'était le premier été que Kiki Lacoste passait dans la région (avant Château Machin). Denis
et moi étions dans la chambre du cocher, qui était une chambre d'ami au-dessus du garage, nous faisions les pitres et voulions lancer un verre d'eau à un autre enfant sous la fenêtre. Le verre est parti avec l'eau, et a atterri juste à côté de Grand'Pap' qui bavardait avec Kiki. G.P. est devenu tout rouge et a explosé.
Je crois qu'il était un peu soupe au lait.


As-tu entendu l'histoire racontée par Clémence :
un jour, Jean-Jacques, je crois, a demandé à emprunter la voiture de G.P. qui d'un coup est devenu tout rouge et a dit :
- NON !.......... - Mais pourquoi, mon chéri ?
- Non -..... ...... demanda Grand'Mam'.
- Une voiture, c'est comme une femme,
- on ne prête pas sa femme,
- donc on ne prête pas sa voiture.

Et Jean-Jacques n'a pas eu la voiture (ce jour là !).
 
   
 
GRAND'PAP' adorait GRAND'MAM'.
C'était lui
qui devait aller acheter
le chocolat pour le café, qui serait découpé
en carrés dans une boîte en bois alsacienne,
et les bonbons
pour le nez.

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Avec le temps, ces bonbons que Grand'Pap' achetait d'abord au poids chez le confiseur étaient devenus des smarties, aujourd'hui les M&M's, au fil des OPA, mais la furie des marques épargna notre enfance.
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  Pour nous, c'était des bonbons pour le nez. GRAND'MAM' les conservait dans une boîte ronde noire incrustée de nacre, grosse comme un poing de bébé, cachée au fond de son panier d'osier à bascule, ce que cela même nous feignions d'ignorer. Au moment du café, nous nous jetions sur elle et lui présentions notre nez, qu'elle regardait entre deux doigts, le tiraillait si nous avions été coquin le matin, puis disait : Oh, regarde ce que j'ai trouvé dans ce nez, et elle nous présentait dans sa paume ouverte et très creuse un petit bonbon. Parfois, la pêche miraculeuse s'arrêtait à mi-chemin et GRAND'PAP' partait recharger la bonbonnière en disparaissant très discrètement dans la grande armoire du couloir.
Lorsque Grand'Mam' perdit la vue, elle nous associa à son tour de magie, qui n'en perdit rien, pour autant. Elle nous présentait la boîte ouverte, nous pouvions compter le contenu et choisir notre couleur. Elle faisait alors un arrangement savant des pastilles dans sa main et nous appelait un à un. Je ne sais ce que le tour avait encore de magique, peut-être simplement que notre grand-mère si faible ait toujours la force de nous aimer et de nous faire rire.
Une recette d'Herminie 47/63* , .(voir correspondance de Mathilde à Anne)
 
. Anne : a - b - c -  
Co-production, Anne et Faustine.