De
quoi s'agit-il puisque Pignon est Franc de Ferrière depuis 110 ans
? |
Georges était né sur la propriété de la Birondie, à Pomport et son père était installé sur le domaine et dans le château du Valladou à Bonneville. Le Commissaire
de la marine avait donc de solides racines terriennes et il n'est pas surprenant
qu'étant en poste à Bordeaux et ayant hérité de
sa tante un domaine à Juillac, il ait décidé d'en faire
une propriété modèle pour l'époque. |
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Seule une pièce de vigne à sa mort était restée à l'écart, la Pillardotte que bien plus tard, mon père, Yann, céda à la famille Capelli installée sur le domaine voisin de La Borie. Il exploitait sa propriété
« en faire valoir direct » avec un " maître valet "
et du personnel en particulier pour faire toutes les " petites façons
" de la vigne. |
Quatre " façons " de labour avec les attelages de grands bufs garonnais, la race que l'on nomme maintenant poétiquement " blonde d'Aquitaine ", deux chaussages, deux déchaussages, puis décavaillonnage avec la jument et enfin, " tirage de cavaillons " à la main avec une large binette. Contre le midiou, sulfatage à la " bouillie bordelaise " contre l'oïdium, soufrage. Et pour finir, une joyeuse " troupe de vendangeurs ", hommes et femmes venait récolter les divers cépages au fur et à mesure qu'ils arrivaient parfaitement à maturité. Il y avait les " coupeurs " avec leurs sécateurs et leurs paniers de bois et les costauds " porteurs " qui parcouraient les rangs de vigne en portant à deux les " bastes " de bois dans lesquelles vendangeurs et vendangeuses vidaient leurs paniers. Dans la tournée de la vigne, au bout des rangs, se trouvait la charrette à bufs aux deux immenses roues, attendant l'attelage qui viendrait l'emporter vers le pressoir lorsque son chargement de bastes serait complet. |
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Et dans ces bastes, les
hommes , pantalon retroussé à mi-mollet, foulaient au pied la
vendange avant qu'elle ne soit déversée dans le pressoir. Tard
dans la nuit, on entendait le cliquetis de la presse qui écrasait le
raisin, opérée par deux ou quatre hommes solides poussant inlassablement
en avant puis tirant en arrière la longue barre d'acier forgé.
Le jus de raisin était pompé, toujours à la main et pendant
de longues heures, soit vers les barriques de 220 litres pour le vin blanc
soit vers les cuves pour le vin rouge où se passera la précieuse
fermentation. |
Ce qui ne partait pas ainsi était vendu aux négociants en vins traditionnels par l'intermédiaire de courtiers. Mais à cette époque,
Pignon était une propriété équilibrée autour
des impératifs de ces temps : le cheptel devait être soigné
toute l'année d'où le soin apporté aux prés et
prairies qui fournissaient le foin. Il fallait de la paille pour la litière
et des bufs et de la jument. |
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Le grain était
séparé de la balle dans un petit ".vent
" actionné par une manivelle. Puis mis en sac et soigneusement
stocké au grenier à grain. |
Pour aller au marché
ou pour aller à la gare à Castillon, le cocher à l'époque,
attelait la jument soit, par beau temps, à la cariolle découverte
à deux roues, soit par mauvais temps, au petit omnibus de famille que
j'ai encore connu dans ma jeunesse vieillissant au fond d'un hangar. |
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Et enfin une construction mixte : un chai pour entreposer le vin en barrique surmonté d'un grand grenier servant à entrposer les grains et servant de dortoir pour les vendangeurs pendant les vendanges. Voici rapidement décrite l'exploitation agricole développée par Georges Franc de Ferrière. Elle était particulièrement remarquable puisqu'en 1911 elle reçut le Premier Prix du concours annuel organisé par le « Comice Agricole de Castillon ». Mais s'il mit un point d'honneur à développer une exploitation agricole modèle, il attacha tout autant de prix à construire une maison de maître digne de cette propriété et de sa famille. C'est le « Pignon » que nous connaissons. Certes, il n'y avait ni électricité ni eau courante : on allait chercher l'eau avec des seaux ou des brocs à la pompe qui se trouvait sous la terrasse mais c'était la coutume de l'époque. |
La cuisine avec sa grande
cuisinière de fonte chauffée soit au bois soit au charbon fournissait
suffisamment d'eau chaude pour la toilette des occupants de Pignon. |
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C'est aussi dans cette
cheminée que devant des braises de sarments de vigne on faisait griller
le pain du petit déjeuner ou de belles entrecôtes à midi.
Georges Franc de Ferrière et son épouse attachèrent un soin tout particulier à l'agencement et à la décoration de leur nouvelle maison. |
La salle à manger n'a guère dû changer : sa très grande table à rallonges, le vaisselier ancien et ses belles faïences; l'armoire à pointes de diamant, la vaste desserte devaient déjà accueillir leurs hôtes. Petit et grand salons devaient être meublés différemment car à part les deux riches bibliothèques qui se trouvaient au petit salon, la plus part des meubles actuels proviennent de l'héritage du général Siben. Au premier étage,
trois chambres et le bureau de Georges Franc de Ferrière avaient beaucoup
de caractère : |
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Le bureau,
très fonctionnel et confortable avec lui aussi une riche bibliothèque
aujourd'hui disparue lors de la distribution de ;meubles de Pignon aux petits-enfants
de Yann Franc de Ferrière après sa mort.
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En
résumé on peut dire sans exagérer
qu'il y a cent ans Pignon était une belle propriété avec une fort belle maison de maître. |
Pignon
de 1904 à nos jours
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A sa
mort en 1914, à la veille même de la Grande Guerre, Georges Franc
de Ferrière laissa à son fils Yann qui n'avait que 16 ans un domaine
en plein épanouissement.
Malgré son jeune age, il le prit en main immédiatement et avec au début l'appui et les conseils de son oncle Daniel Franc de Ferrière qui habitait au château de Vidasse à Pessac-sur Dordogne la propriété continua à prospérer. Il partit à la guerre en 1917 laissant en charge son «.Maître-valet ». |
Après
la guerre, ayant fait l'Agro, ayant épousé Paulette Siben, ils
habitèrent Pignon.Il apportait tous ses soins à la production
et à la vente de son vin mais en plus il installa un premier rudiment
d'eau courante dans la maison et à l'étable en installant un "
bélier hydraulique " alimenté par la source et le trop plein
du lavoir.
Il y avait dans la maison deux robinets : l'un à la cuisine, l'autre dans la salle de bain ; un troisième desservait l'abreuvoir placé devant la porte de l'étable. |
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J'ai
le souvenir d'une machine fort capricieuse. Lorsque le bruit de son martellement
s'arrêtait, il fallait descendre avec un bâton pour appuyer sur la
soupape d'échappement et avec un peu de chance, on le remettait en route.
Lorsque
l'électricité arriva à Pignon, il fut remplacé par
une pompe électrique. Mais il n'avait toujours que trois robinets et
les brocs d'eau chaude continuèrent longtemps à alimenter les
tables de toilette et leurs cuvettes de faïence., ainsi que le " tub
" de la salle de bain.
Ce ne
fut qu'après la fin de la dernière guerre que la maison de Pignon
commença à se moderniser.
L'eau chaude fit son apparition, la salle de bain prit forme un chauffage central fut posé au rez-de-chaussée et peu à peu un confort moderne rustique vint remplacer le régime un peu spartiate du « bon vieux temps »... |
Et
pendant cetempslà, quedevenait lapropriété.?
Lorsque Yann Franc de Ferrière et Paulette son épouse quittèrent
Pignon, en 1925, le maître valet fut remplacé par un métayer
et les voyages à l'époque n'étant pas aisé, Monsieur
Labatut de Bordeaux fut chargé de surveiller la bonne marche de la propriété.
Mais toujours en suivant les directives de Yann. Je crois que Monsieur Labatut
prit sa retraite au moment de la guerre et depuis Pignon fut entièrement
dirigée par Yann avec ses divers métayers puis par son fils Jean. Une petite anecdote : en 1914, à 16 ans, à la mort de son père et à la veille de la guerre, Yann prit en main Pignon. En 1939, Yann, Capitaine d'artillerie étant aux Armées, Jean son fils à 15 ans prit en main le très délicat changement du métayer de Pignon qui prenait sa retraite et l'installation de son successeur. Qui dit que l'histoire ne se renouvelle pas ? |
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Il y
eut sur la propriété les familles BARTOUX
et MARTINE, puis la.famille
MERCIER, enfin les CAPPELLI, avec
Antonio et Joséphina. Leur fils Dimitri fut le dernier métayer
de Pignon. Lorsqu'il quitta Pignon en 1986 pour se consacrer entièrement
à sa propriété de La Borie, Pignon passa du système
du métayage qui avait duré près de soixante ans, au système
du fermage avec le G.F.A. Clémenceau Père et Fils, Maurice et
Dominique.
Hélas
Dominique périt dans un accident de la route en 1995 et cette perte fut
cruellement ressentie par tous.
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En
conclusion : je dirai que si
Pignon est aujourd'hui une belle propriété à tous
les points de vue, elle le doit à la ténacité
et à l'amour de leur terre des divers propriétaires Franc de Ferrière
qui se sont succédés depuis 110 ans, mais elle le doit tout autant
au dévouement et au travail constant et intelligent de toutes les
familles de Maîtres-valets puis de métayers et de fermier qui se
sont succédés aussi depuis 110 ans et même avant
sur cette propriété de Pignon.
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