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* Il s'agit de la Guerre
de Trente ans, dont
les hostilités ont débuté
à Prague en 1618
et qui a dégénéré
en conflit général,
gagnant la plus grande partie de l'Allemagne
et des possessions
des Habsbourg.
 

¤ Jehan Cuvier est fils de pasteur. Il naît à Chagey (70), petit village luthérien, où son père est en poste depuis 1621. Cette paroisse se trouve au nord- ouest de la seigneurie d'Héricourt, à proximité de la seigneurie d'Etobon, au pied de collines couvertes de forêts et de bois qui alimentent ses forges. Tout en restant en partie dépendante administrativement à la Franche-Comté voisine, la seigneurie d'Héricourt est rattachée à Montbéliard depuis 1561. Cette situation provoque des contestations sans fin. Cela explique les revendications de la France qui lorgne aussi sur la Franche-Comté alors possession des Habsbourg. A cette époque, le Comté de Montbéliard est une terre du Saint Empire Romain Germanique et une possession wurtembourgeoise.

¤ A partir de 1635, le conflit qui oppose les princes protestants allemands à l'Empereur* gagne le sud de l'Alsace et la Franche-Comté. Les armées impériales, françaises ou suédoises traversent le pays avec leurs cortèges de violence, d'atrocités, d'exactions et d'épidémies. La garnison française qui est installée à Montbéliard a demandé la protection de Richelieu. Tous ceux qui le peuvent quittent l'insécurité des campagnes ouvertes pour se réfugier en ville. C'est ce que fait Jacques Cuvier, emmenant femme et enfants, à l'abri des murailles de Montbéliard. C'est là que naît Hugues, le petit frère de Jehan qui meurt en bas âge. Avant que l'an s'achève, la famille déménage à nouveau pour Héricourt, petite ville entourée de remparts, siège de la seigneurie du même nom dont dépend le village de Chagey. Jacques Cuvier y est pasteur.

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Quand son père meurt, deux ans plus tard, Jehan n'a que 11 ans. Plus meurtrières que les combats, les épidémies de peste déciment les populations. Rien qu'à Héricourt, plus de 590 personnes sont mortes de la peste entre 1635 et 1642. Alors que la ville comptait, en 1635, plus de 700 habitants, réfugiés compris, sa population tombe à 170 en 1638 ! Il est vraisemblable que Marguerite Perdrix retourne alors habiter, avec ses enfants orphelins, à Héricourt où elle a de la famille. La paix ne revient qu'en 1644... Paix que l'on peut espérer durable depuis la signature du traité de Wesphalie en 1648, qui met fin à cette terrible Guerre dite de Trente ans. L'occupation française n'en continue pas moins jusqu'en 1651.

¤ En 1654, Jehan épouse Anne Rosselot, d'une famille aisée de Héricourt.
Anne Rosselot est la fille du greffier de la ville. Elle est, comme sa mère, qualifiée de '' Dame'' dans les actes officiels. Ils habitent probablement une maison de la Grande Rue d'Héricourt qui sera attribuée en partage à Nicolas Rosselot en 1675. Jehan est "chirurgien", c'est à dire, suivant le vocabulaire de l'époque, une sorte de médecin. Il a étudié l'anatomie, l'art des panser une plaie, réduire une fracture, etc. La distinction fondamentale entre médecin et chirurgien remonte au Moyen-Age. En ce temps-là, seuls les clercs faisaient alors des études universitaires et pouvaient devenir docteurs en médecine, or il est interdit à l'homme d'église de faire couler le sang. Pour soigner une fièvre, on fait appel au chirurgien et non au médecin, le remède habituel étant une saignée. Les deux professions sont donc forcément complémentaires, la profession de chirurgien, souvent associée à celle de barbier n'étant pas aussi valorisante que celle du médecin.

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La Grand rue d'Héricourt
vers 1870.
Les Grandes Halles du XVIe qui occupaient l'espace laissée libre devant la mairie, reconnaissable à son clocheton, ont été démolies en 1862.
(in F. lassus et J. M. Debard op. cit.)

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En plus de son travail de chirurgien, Jehan Cuvier est aussi Prévôt d'Héricourt et du Châtellot, assurant une fonction de juge seigneurial.

C'est un homme instruit qui lit aussi bien le français et le latin que l'allemand. Il est ouvert et plein de foi. Il possède une vaste bibliothèque de plus de 90 livres dont on connaît les titres. On y trouve évidemment, en première place, une Bible et des Psaumes, mais aussi des livres d'édifications ou de commentaires, à côté d'ouvrages plus professionnels (traités de pharmacie, de chimie, d'anatomie, de médecine et de chirurgie...) et des écrits d'histoire... On y relève même une "institution de l'art de la guerre". Il est vrai que Jehan fait probablement partie de la milice bourgeoise. Il a d'ailleurs chez lui deux paires de pistolets, un fusil, une pertuisane, autrement dit une hallebarde, une épée et un sabre.. Tous ses enfants savent lire et écrire.

¤ Jehan est aussi un homme sensé et courageux. Un jour qu'il est chargé de constater la présence de "signes démoniaques" que porterait une femme accusée de sorcellerie, il a le courage d'affirmer qu'il s'agit de simples cicatrices de furoncles... Cette assertion catégorique sauve probablement la vie à la pauvre femme qui n'en est pas moins pourtant exilée hors des terres de Montbéliard. C'est que l'on ne plaisante pas dans l'Europe de la fin du XVIIe avec l'accusation de sorcellerie et biens des malheureux sont condamnés au bûcher pour avoir avoué toutes sortes d'abominations sous la torture...

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¤ Mais la peste, qui avait sévi une quarantaine d'années plus tôt, n'a pas complètement disparu de la région. En moins de deux mois, elle emporte Anne Rosselot et son époux Jehan Cuvier. Ils laissent quatre enfants mineurs, trois filles et un garçon. Les orphelins sont recueillis par leur sœur aînée, Alexandrine Cuvier, jeune épouse de Nicolas Richardot, receveur fiscal, greffier et tabellion d'Héricourt, et par leur grand-mère maternelle,
Françoise de France (ou De France suivant les actes...). Pour régler les problèmes d'héritage, et la situation des enfants, un inventaire de leurs biens est dressé en avril et en juin 1675. En juillet, la tutelle des trois plus jeunes des enfants est confiée à leur beau-frère Nicolas Richardot et la curatelle à leur oncle Nicolas Cuvier. Leurs "cousins" Jean Georges Schaeffenstein et Jean Pierre Berdot veillent à ce que tout se passe bien.

(AD.haute-Saône E 459)

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