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Joseph François surnommé Jean (ou Jean-François)
Grosjean est né dans le diocèse de Genève (et
baptisé "in curen Sainti Petri ", précise
le curé qui le marie en 1779) en Savoie.
Il vient en Alsace avec une série de savoyards, notamment ses cousins
Comte et Plagniat (ou Plagnat), d'Annecy.
Il s'établit à Sélestat où il semble avoir obtenu
le droit de bourgeoisie.
Il y ouvre un commerce de soierie, comme beaucoup de ses compatriotes installés
en Alsace. Ses affaires prospèrent et il se marie avec une jeune
fille de la bourgeoisie de cette ville. Il est possible (à
vérifier) que le père de Cécile Taberlet
soit aussi marchand (épicier ?) et que le jeune savoyard ait
fait sont apprentissage chez celui-ci.
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Cécile Taberlet est née à Sélestat. Elle est
baptisée dans l'église catholique le jour même
de sa naissance. Son parrain est un certain François Cavalino, peut-être
aussi un savoyard (?), sa marraine, elle, Anna Maria
Laugerhart, épouse de Joseph Zäpfell, est bien de la région.
Cécile appartient a une bonne famille et reçoit une éducation
soignée et distinguée grâce à une chanoinesse
cousine de sa famille.
Cécile a au moins une soeur, Marie Françoise Taberlet*,
épouse de Antoine Plagnat.
¤ Jean Grosjean et Cécile Taberlet ont au moins 5 garçons.
C'est une famille aisée de Sélestat. Cécile se fait
faire son portrait en miniature sur ivoire vers 1780/85**.
C'est une très jolie jeune femme. Intelligente et avisée,
elle est une aide précieuse pour son mari qu'elle seconde dans son
commerce. Maîtresse femme, elle est aimée et respectée
par les clients de la maison. On vient la consulter pour toutes sortes de
questions difficiles.
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* * Après
1839, Jean-Jacques Bourcart 40/56
(1801 - 1855) le mari de sa petite-nièce,
Climène Grosjean 41/57,
(1804 - 1841)
vient
en aide pécuniairement à cette vieille dame et à sa
famille Plagnat.
** Cette
miniature se trouvait vers 1930 chez Madame Marti-Grosjean, à Montbéliard. |
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¤ Jean Grosjean et Cécile Taberlet accueillent
avec joie la Révolution. Ils se rallient dès 1789 aux idées
libérales. Ce sont des républicains modérés.
Jean Grosjean est élu maire de Sélestat. Mais les excès
de la Conventions et les atrocités commises par les membres des
Comités de Salut Public leur font horreur. Comme maire, Jean-François
s'y oppose de toutes ses forces.
Ses fils, déjà grands, sont mobilisés les uns après
les autres.
C'est probablement vers cette époque que Jean Grosjean s'associe
à une entreprise de papeterie de Sainte-Croix-aux-Mines.
En 1794, Cécile Taberlet prend en pitié des nobles et des
prêtres proscrits qui fuient pour ne pas être arrêtés
comme "suspects". Elle les cache dans sa maison (dans des tonneaux
vides de sa cave, dit-on). Elle est alors enceinte et prend, ce faisant,
de grands risques si ses protégés venaient à être
découverts.
Justement, des Jacobins accusent son mari d'avoir favorisé la fuite
d'émigrants. Jean François, soupçonné de complaisances
envers des "ci-devants" *, est
arrêté et incarcéré. Son arrestation est un
telle choc pour Cécile, qu'elle en reste paralysée.
Il aurait
été transféré à Paris. Là, Jean
Grosjean est traduit devant le tribunal révolutionnaire. Outré
par le réquisitoire porté contre lui, il se retourne vers
ses juges et leur dit, avec son fort accent savoyard dont il ne s'est
jamais défait " Vous êtes tous de la canaille
! ". Il est condamné à mort et enfermé
à la Conciergerie en attendant son exécution. Il ne doit
son salut qu'à la chute de Robespierre. Il
raconte que ce jour-là, les prisonniers se rendant compte qu'il
se passe quelque chose d'insolite, essayent de communiquer avec les passants
qui déambulent loin en dessous d'eux dans la rue. Une femme s'arrête
et leur fait signe, leur montre sa robe, ramasse une pierre et fait semblant
de se trancher la tête. Le message est compris et les prisonniers
obtiennent d'être libérés**.
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Terme
méprisant employé sous la Terreur pour désigner les
nobles, expression reprises
du jargon juridique de l'époque.
C'est
ce que raconte sa belle-fille Madeleine Grojean-Kchlin
à ses petit-enfants.
Mais il semble étonnant que l'on ait conduit un prisonnier si insignifiant
jusqu'à Paris ?
De plus l'histoire de Robe-baisse-pierre se racontait à propos de
Joséphine de Beauharnais.
Il y a peut-être amalgame ? |
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En 1796, leur
fils Jean François arrive à se faire libérer des
obligations militaires en arguant de sa qualité de fils aîné
et du fait que tous ses frères sont aussi sous les drapeaux.
Depuis l'arrestation de son mari, Cécile est clouée
dans un fauteuil, ayant définitivement perdu l'usage de ses jambes.
Malgré cette infirmité, elle reste une femme d'affaire avisée.
Elle utilise ses réserves d'assignats, cette nouvelle monnaie mise
en circulation qui ne va cesser de se déprécier, pour acheter,
près de Sélestat, la grande propriété du général
de Wurmser à Rorschwihr (Rohrschwyhr) Ce petit village viticole
niché dans le vignoble est situé entre Bergheim et St Hippolyte.
Les caves de la maison, construites pour abriter les grandes récoltes
de vin renommé, produit dans les environs, sont si vastes que l'on
peut y faire entrer des chars attelés de 4 chevaux !
De retour en Alsace, Jean François Grosjean, dégoûté
de la politique, vend sa maison de Sélestat et s'installe
dans la propriété de Rorschwihr où il achète
des vignes.
¤ En 1803, Cécile
Taberlet reçoit en grande pompe sa jeune belle-fille Madeleine Koechlin.
Cette dernière, qui a grandi à Mulhouse, austère petite
ville protestante dont les ordonnances limitent la pompe et l'ostentation,
est très impressionnée par la splendide vaisselle d'argent,
tout le luxe de la table. La jeune femme est comblée de cadeaux par
sa belle-mère : étoffes de prix, bas de soie ... en effet
Cécile veut que sa bru soit à la hauteur de la société
huppée qu'elle a invitée pour la présenter.
Mais il s'agit des derniers feux d'une fortune de plus en plus écornée
par son époux et sa ménagère.
¤ Après
le décès de son épouse en 1804, Jean régularise
une liaison de longue date et se remarie avec sa gouvernante, Anne Marie
Miltenberger dont il a un fils, Max.
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Il accepte de
reprendre une fonction politique et devient maire de Rohrschwihr vers
1808.
Mais depuis longtemps Jean Grosjean est un amoureux du jeu. Déjà
à l'époque où il allait visiter les foires pour son
commerce de foire, il aimait s'arrêter pour jouer. La vieillesse
venant, il continue à fréquenter les nobles du pays à
Ollwiller et ailleurs pour s'adonner au jeu. Ce qui lui fait perdre peu
à peu la plus grande partie de sa fortune.
A sa mort, sa belle propriété est grevée de dettes,
notamment auprès de créanciers bâlois que ses fils
mirent longtemps à rembourser.
Pour éteindre complètement les dettes, ils
finissent par vendre
la grande maison de Rohschwihr
et les terres qui en dépendent.
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Sources : traditions
orales
Jacques Henry Gros (notes de son grand père A. Bourcart, transcrivant
des informations transmises par Cécile Hofer-Grosjean)
Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, p. 1296 aticle Grojean,
par J.-M. Schmitt
Charles Daniel Bourcart (1860-1940) "Notices historiques [
]
sur la famille Bourcart", 1927-1930 (manuscrit)
04/2003
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